#6 « Je n’ose pas imaginer ce qui aurait pu se passer. »
Ou comment mon cerveau y arrive très bien.
C’est ce que j’ai écouté pour me remonter le moral, ce week-end :
Il arrive parfois, dans la vie, que des événements passent à 1mm de devenir un drame. Par chance, ça n’en devient pas un. Et j’imagine que le commun des mortels se dit simplement « ouf, ça aurait pu être pire », et continue leur chemin… L’histoire ne devenant qu’une anecdote.
Avec la maturité (ou la vieillesse ?), je me rends compte que je suis incapable de faire ça. Laisser de côté ce genre d’événements, passer à autre chose. J’y retourne inlassablement et mon cerveau me joue tous les scénarios possibles. Je crois que c’est pire depuis que je suis maman, car maintenant je ne suis plus simplement responsable de moi, ou mes chats, mais ils se mettent tout de même beaucoup moins facilement en danger que des enfants de 1 an et demi.1
Je suis aussi envahie d’une honte, d’une peur qui ne me quittent pas pendant plusieurs jours. Je l’ai expérimenté il y a peu de temps… Je ne souhaite pas m’épancher sur le pourquoi du comment, car comme je viens de le dire : j’ai honte. Et j’essaie de faire comme les autres : relativiser ? Ou du moins de me concentrer sur le positif et apprendre de mes erreurs2, et surtout passer à autre chose.
Je sais que je ne suis pas la seule à avoir un esprit qui s’amuser à tout décortiquer et créer toutes les possibilités. Mais quand ça arrive, je me sens seule, apeurée et en colère. J’ai alors un besoin immense de rejeter la faute sur les autres, tellement la culpabilité est trop dure à porter, mais sans le dire… Ça devient un cercle vicieux dans lequel je m’enferme seule car je suis incapable d’exprimer tout ça, sans avoir peur que l’on me prenne pour une folle et parce que les autres n’ont pas tendance à suivre ma colère comme je le souhaiterais. Je rumine donc seule dans mon coin, au point que je ne peux juste plus penser à autre chose.
Dans ma chance, j’ai des amis bienveillants et eux ont plutôt tendance à m’aider à me dire justement que « ouf, ça a du être dur mais tout est bien qui finit bien ». Et je me sens tellement ingrate de ne pas les écouter, de continuer à tourner en rond dans mes « et si… ». Ce qui me donne parfois beaucoup de mal à me confier… Ceci n’est absolument pas une excuse pour expliquer pourquoi je garde parfois trop de choses pour moi, plutôt que d’en parler. En écrivant cette courte lettre, je me rends compte que je suis aussi cette amie qui compatit, mais va rassurer en disant aussi qu’heureusement tout est bien qui finit bien. Alors pourquoi ne suis-je pas capable d’accepter ces mots réconfortants de la part de mes proches ?
C’est justement ce que j’essaie de faire maintenant : en parler, laisser sortir ce qui me pèse sur le cœur et ensuite fermer la page sur ce qui est arrivé et surtout ce qui n’est pas arrivé. Il faudrait peut-être que je trouve d’où vient cette angoisse3 et ce besoin de rejouer chaque chose, de penser à ce qui aurait pu ou du être fait, les actes manqués et les mots que parfois je ne trouvais pas.
Et en écrivant ceci, je prends conscience que le soucis n’est pas seulement avec ce qui est arrivé (ou aurait pu arriver), mais aussi avec ce qui pourrait arriver. Comme de nombreuses personnes de ma génération (hello les millenials, what’s up?), je suis anxieuse et l’anticipation a longtemps était source d’angoisse. Pour finalement pas grand chose… Mais ça, je crois que je le vis moins maintenant que je suis mère. Je pense qu’avec la grossesse, il y avait trop d’inconnu dans l’équation pour que je me penche trop dessus4. Et maintenant qu’ils grandissent, tout me semble pouvoir arriver… Bien sûr, je continue de stresser pour le travail (et encore), pour des choses planifiées qui pourraient avoir un soucis (et oh ce que je déteste les imprévus qui chamboulent tout). Je continue de gérer ça à coup de larmes, mais je m’en remets peut-être plus facilement qu’avant.
En revanche, je ne peux m’empêcher de vivre avec mes “et si…” et parfois même 4 ans plus tard, voir 20 ans. Je rejoue des moments de ma vie qui m’ont chamboulée et dans laquelle je trouve avoir été minable5. Sauf qu’imaginer ce que j’aurais du ou pu faire à la place, ça n’aide en rien…. Je me renvoie juste l’image de la minable que je pense avoir été. Et inévitablement, ça me donne envie de me haïr un peu plus et me renferme dans une estime de soi qui n’est déjà pas très haute.
Mais promis, je vais essayer de ne plus trop penser comme ça… pour moi, mais aussi pour mes enfants.
Et si vous êtes comme moi, à ressasser et revivre toutes ces situations (qu’elles soient choquantes, injustes, gênantes)… vous faites comment ?
The Substance - Coralie Fargeat, 2024.
Euh, waouh, pardon ? J’ai été complètement envouté par ce film qui raconte l’histoire d’Elisabeth Sparkle, une actrice sur le déclin qui va se faire virer de son émission d’aérobic, qui découvre un produit qui change la vie. La promesse d’une version d’elle-même plus jeune, plus belle, plus parfaite. Elles n’auront qu’à partager le temps : une semaine pour l’une, une semaine pour l’autre.
Ce film, qui ne plaira pas à tout le monde, m’a tout à fait conquise. J’ai tout d’abord aimé l’esthétique, les références à un genre qui me berce depuis des années, et puis bien sûr le message sur ce l’invisibilisation du corps des femmes “vieillissantes”. Demi Moore est incroyable dans ce rôle, Margaret Qualley est parfaite et pétillante. Alors bien sûr, Fargeat met parfois les deux pieds bien dans le plat et ne joue pas sur la subtilité, et je crois que c’est ce qui m’a plu aussi. Elle pousse le curseur à fond dans le troisième acte, dans lequel elle utilise le mâle gaze comme une vraie arme.
Ce film m’a beaucoup fait réfléchir, je l’ai aussi trouvé étrangement drôle. Sur le sujet, je ne peux que vous recommander d’écouter le podcast d’Anaïs Bordage et Marie Telling qui, dans un épisode d’AMIES, ont décortiqué et débattu sur ce film.
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Et puis c’est tout, car j’ai lu et vu certaines choses récemment, mais j’ai envie de les laisser décanter encore un peu dans mon esprit.
Sauf lorsqu’ils jouent aux funambules sur la rambarde du balcon, je parle de mes chats et non de mes enfants.
Et cela même si je considère encore ne pas être la seule fautive, mais voilà encore quelque chose sur laquelle j’aimerais travailler : ne pas rejeter la faute sur les autres, mais accepter ma part de responsabilité.
Et peut-être bien que consulter de nouveau me ferait du bien ?
J’ai bien fait, d’ailleurs. Et en parlant de ça, je n’ai toujours pas réussi à me résoudre à écrire sur mon accouchement… Mais j’ai une bonne grosse note vocale sur pourquoi je bloque comme ça.
Parce que bien sûr, je ne fais jamais ça pour les moments chouettes de ma vie, alors que ça serait peut-être plus agréable ?